SÉRIE (2/4). Début juin 1991, Marie-Hélène, disparue depuis près de deux semaines, n’avait toujours donné aucun signe de vie. La PJ de Nice commence son enquête. Et commence par entendre Steven, le petit ami de la jeune femme de 22 ans.
Notre série sur l’affaire Marie-Hélène Audoye
- 1. La personne disparue de la Côte d’Azur
- 2. Le fiancé et les faux indices
- 3. L’impasse du réseau de la prostitution
- 4. L’amant jaloux, cible finale de l’enquête
Cela fait treize jours que Marie-Hélène Audoye n’a donné aucun signe de vie. Le commissaire Jean-Baptiste Casanova est en charge de la PJ à Nice. C’est lui qui fera ou a fait effectuer les premières vérifications, les premières auditions. A partir du 4 juin 1991, une perquisition de logement est effectuée le matin dans l’appartement de Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes) que la jeune femme partage avec son compagnon Steven.
La police y a remarqué une certaine condition et a également noté dans son rapport la présence dans la chambre de deux photos de … Gunilla avec une amie. Surpris de retrouver ces photos de l’un de ses “rivaux” dans la femme disparue, ils interviennent. Mais rien de suspect n’est découvert à ce stade de l’appartement. Aucune trace visible de conflit, par exemple.
A été témoin d’une autre disparition neuf ans plus tôt
Quelques heures plus tard, Steven est convoqué à la caserne d’Auvare, siège de la PJ de Nice. Son interrogatoire en tant que “témoin” commence à 15 heures. Cela prend un peu plus de cinq heures. Il déroule son «histoire» avec Marie-Hélène devant un policier, du premier flirt à la disparition. Il ne cache pas les nuages qui ont assombri les derniers jours de leur relation et cette dernière semaine pleine d’arguments. Les voix fortes, les portes qui dorment se ferment. Il évoque la cause principale: sa relation avec Gunilla, le mannequin suédois.
En revanche, au policier assis en face de lui, il ne mentionne pas l’existence de l’autre relation «extraconjugale» qu’il entretient avec Evelyne, son ancienne patronne. Son rapport du dernier matin semble également contredire des éléments du dossier déjà à la disposition de la police. Certains horaires ne correspondent pas. Mais surtout, la police ne trouve pas d’erreur dans la biographie présentée par Steven. Au tout début de son audition, en réponse à des questions de routine dans une telle situation, il prétend n’avoir jamais été condamné. En tant que mineur, il a dû faire face à la loi sur les vols de cyclomoteurs et les cambriolages dans les villas de la côte.
Une autre information importante n’apparaît pas dans ce qui est l’une des toutes premières minutes de l’affaire. En effet, Steven n’est pas étranger aux chercheurs de la PJ de Nice. Il a été entendu à plusieurs reprises après la disparition de John Berthe en 1982 à Théoule-sur-Mer, dans les Alpes-Maritimes. Steven était un ami de cet adolescent de 13 ans à l’époque et, surtout, l’un des derniers à le voir le jour de sa disparition. Le jeune garçon et sa bicyclette rouge n’ont jamais été retrouvés. L’enquête a été close et, malgré des incohérences dans ses différentes déclarations, Steven n’a jamais été officiellement soupçonné à l’époque.
Cependant, le 4 juin, la police des locaux de PJ à Nice a fait face à un jeune homme dont la petite amie a disparu et dont ils savent qu’il était également le principal témoin d’une autre disparition il y a neuf ans. Mais à ce stade, Steven reste un témoin qui à la fin de son témoignage se dit «préoccupé» par la disparition de Marie-Hélène, et de son côté écarte toute pulsion suicidaire.
Le “point zéro” introuvable
Le “numéro de Steven” restera tel quel. Les détectives s’affairent à préparer les horaires des différents protagonistes et à interroger d’autres témoins. Les amis de Steven et de Marie-Hélène, et surtout ceux qui les ont rencontrés le week-end de la Pentecôte, sont entendus. La police interroge également des pharmaciens monégasques, qui seront probablement les derniers à voir Marie-Hélène vivante le 21 mai.
Mais ils obtiennent aussi le témoignage du propriétaire d’une croissanterie à Cagnes-sur-Mer. Ses déclarations sont un premier tournant dramatique. L’homme nous assure qu’en début d’après-midi, le 21 mai, il a vu Marie-Hélène sur sa terrasse, accompagnée d’une femme bavarde. Et il est formel. Il a même échangé quelques mots avec elle. Il est clair que Marie-Hélène serait renvoyée chez elle à Cagnes-sur-Mer après sa tournée à Monaco. Un détour imprévu. Pourquoi ? Et qu’est-ce qui aurait pu arriver?

Mais en même temps, de nouveaux rapports arrivent à la PJ de Nice. Ils proviennent de plusieurs personnes qui affirment avoir vu Marie-Hélène à Gap la semaine de sa disparition. Le 18 juin, l’inspecteur en chef Casanova et un collègue sont partis pour les Hautes-Alpes. A Gap, ils entendent ces célèbres témoins et notamment le gérant d’un bar à tabac qui a certainement vendu des cigarettes à une jeune brune qui correspond à la description de Marie-Hélène. De plus, cette jeune femme a interrogé le gérant du bar-tabac sur les heures d’ouverture des pharmacies de la ville.
Le témoignage est pris au sérieux par la police. Mais cela complique sérieusement l’enquête. Rien ne permet de déterminer le «point zéro» de la disparition de Marie-Hélène: Monaco, Cagnes-sur-Mer, Gap? Les trois sommets de ce triangle des Bermudes forment un très grand contour.
Les parents mènent des recherches en Espagne
A Antibes, l’appartement des parents de Marie-Hélène ressemble déjà à une dépendance d’un commissariat. Annie et Jacques, rongés d’inquiétude, ne restent pas les bras croisés. Après les fouilles en hélicoptère et en voiture des premiers jours, ils continuent leurs propres recherches, ils collectent des informations. Le temps de l’application de la loi ne peut pas être le leur. Si leur fille est vivante et en danger quelque part, nous devons tout faire. Et vite.
Au tout début d’août 1991, Annie a appris qu’un témoin s’était présenté à la police. Il affirme avoir vu Marie-Hélène à Tossa de Mar, une ville balnéaire de la Costa Brava en Espagne. Avec l’aide d’un ami, Annie peut explorer en quelques heures les campings et discothèques de Tossa de Mar et Lloret de Mar, ville voisine. À cette période de l’année, des milliers de touristes affluent vers les plages et les boîtes de nuit. Parmi eux, de nombreux Français.
Annie, avec ses photos de Marie-Hélène, émeut le ciel et la terre sur place. Les preuves de la vie de sa fille, si faibles soient-elles, doivent être creusées jusqu’au bout. Même si cela semble peu probable à quelqu’un qui la connaît, il y a toujours une possibilité que Marie-Hélène ait décidé de prendre la mer, de s’éloigner de son amour déçu et de la Côte d’Azur. Mais le travail espagnol échoue.
Un étrange coup de téléphone
Annie et son mari n’abandonnent pas. Ils ne lâcheront pas les chercheurs. Grâce à leur insistance, des enquêtes techniques ont pu être lancées en septembre 1991 sur la ligne fixe de l’appartement de Steven et Marie-Hélène à Cagnes-sur-Mer. Le 21 mai 1991, plusieurs appels téléphoniques ont été passés depuis l’appartement. Celle de 9 h 41 prouve la présence de Marie-Hélène. Elle appelle un ami. La conversation dure 26 minutes.
Lors de son interrogatoire par la police, l’amie en question confirme qu’ils ont parlé à Steven de la situation de son couple et que Marie-Hélène lui a confirmé qu’elle venait de faire ses valises pour partir en tournée. Rien de plus. Rien à craindre.
Le téléphone de l’appartement restera alors silencieux jusqu’à 16 h 20. Là, un appel sortant est identifié. Il dure 19 secondes et va au numéro direct d’Evelyne, une des maîtresses de Steven, dans l’agence immobilière où elle travaille. Pourquoi cet appel? Pourquoi est-ce si court?
En novembre 1991, Steven a été interrogé sur ce point lors d’une nouvelle audience. Il entame une conversation professionnelle avec Evelyne sur les questions fiscales. Mais il confie aux éléments policiers qu’il leur avait cachés jusqu’à présent: oui, il entretenait une relation intime avec son ancien patron depuis plusieurs mois.
Un amant jaloux
Une relation tumultueuse. Evelyne est visiblement très amoureuse de son jeune amant. Il finance une partie de son style de vie. Mais elle semble très jalouse de Marie-Hélène qu’elle tente d’intimider. Avant sa disparition, la jeune femme avait crevé ses pneus de voiture. Et elle avait eu un fort soupçon sur cette femme qui était également entrée dans l’appartement de Cagnes et était venue faire des scènes de ménage plutôt théâtrales dans l’agence immobilière où travaillait Steven.
À tel point qu’un entretien avait eu lieu entre Steven, Marie-Hélène et Évelyne, au cours duquel cette dernière devait s’excuser pour ce qui équivalait à une forme d’intimidation. Dans cette audition, Steven Evelyne ne sauve pas. En tout cas, il peint un portrait peu flatteur.
L’amant jaloux, qui est en contact avec Steven le jour de la disparition de Marie-Hélène, pourrait-il être un indice sérieux dans une enquête qui fait gravement défaut? Pas pour la PJ de Nice qui n’entendra qu’Évelyne… cinq ans plus tard, en mars 1996 exactement.
À l’époque, les chercheurs ont fait un autre choix qui les éloignerait du cercle des proches de Marie-Hélène. Ils créditeront un rapport apparemment assez strict. Une longueur d’avance qui les emmène dans le monde de la prostitution internationale et qui trouve ses origines dans une boutique de prêt-à-porter à Juan-les-Pins.
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Ref. : leparisien.fr